Comme je vous l'avais annoncé, avec ou sans enfant pour m'accompagner, j'étais décidée à aller voir au cinéma "Le
Tableau" le nouveau film de Jean-François Laguionie. Fiston était très emballé par la bande-annonce. Il aime bien les arts et la peinture (sans doute pour faire plaisir à sa maman...) et il aime
aussi beaucoup les dessins animés. C'est également un grand fan du film "Le Roi et l'Oiseau". Aussi, lorsque je lui ai expliqué que le réaliseur du film "Le Tableau" avait travaillé avec Paul
Grimault le père du petit ramoneur de rien du tout, j'avais fini de le convaincre.
Comment vous dire à quel point ce film est une réussite ? A quel point c'est un film profond, qui présente plusieurs niveaux de lecture ? C'est un film intelligent, beau et émouvant.
Amour, amitié, séparation, injustice, courage, intolérance, détermination, violence, haine, réconciliation. Tous les personnages représentent un sentiment humain.
C'est une quête spirituelle aussi, celle du créateur. Les personnages recherchent le peintre qui les a créés, puis les a abondonnés.
Mais c'est également un film sur la liberté et l'autonomie des personnages par rapport à leur créateur. Je ne vais pas vous dévoiler tout le film, mais si vous avez des enfants de 7 ans (avant ce
n'est pas la peine, ils ne comprendront pas) emmenez-les voir ce chef d'oeuvre.
Et puis, mon oeil s'est vraiment régalé à repérer toutes les références artistiques subtilement glissées au cours du récit. C'est un pot pourri de toiles, d'allusions à des peintres célèbres
et de clin d'oeil aux couleurs.
On y trouve du Modigliani, du Chagall, du Matisse bien sûr, des toiles de Manet et aussi des croquis de Picasso. Je vous livre ici quelques un de ces petits clins d'oeil. Il y en a sans
doute plus que ceux que j'ai vus.
Le personnage de Magenta me fait penser au joueur de fifre de Manet par exemple. On aperçoit d'ailleurs clairement cette toile à un moment du film.
Garance, la grande femme nue allongée et amoureuse du Peintre, a des airs de "Grand nue" de Matisse.
Le personnage de Claire fait référence aux portraits de femmes peints par Modigliani. Ses rêves nous emportent dans les tourbillons d'étreintes de Picasso, dans le ciel de Chagall où volent
les amoureux. C'est vraiment romantique.
Le Peintre lui même est inspiré de Monet me semble-t-il. Et la ressemblance n'est pas que physique ! Il est ronchon, solitaire, colérique, amoureux dans le passé, destructeur aussi. ça pourrait
aussi bien être Cézanne pour le côté solitaire et de mauvaise humeur. En vieillissant, le Peintre est devenu un mélange de Pissarro et de Monet, un vieux bonhomme avec une barbe blanche, la
figure de Dieu le Père en fait.
On trouve aussi un Arlequin bleu, prénommé ironiquement Orange de Mars, qui me fait penser au portrait que Picasso a peint de son fils Paul. On retrouve d'ailleurs une famille déchirée dans
l'atelier de ce Peintre : une femme nue amoureuse, un Arlequin solitaire qui veut jouer et un autoportait bougon. Le tempérament colérique de peintre a-t-il eu raison de ce bonheur ? On se le
demande...
La visite de Venise est également délicieuse.
Ce film est un pur bijoux, un condensé de références à l'art français. Un chef d'oeuvre qui se nourrit de sa propre culture.
Je veux bien admettre que j'étais dès le départ très séduite par le sujet et par ce film, et que je fais peut-être preuve de peu d'objectivité. Mais ce film a tenu ses promesses. Il ne me reste
alors qu'à dire bravo.
Bibiz à tous les peintres qui font du cinéma.